J'en ai tant vu qui s'en allèrent.
Ils ne demandaient que du feu
Ils se contentaient de si peu,
Ils avaient si peu de colère
J'entends leurs pas, j'entends leurs voix
Qui disent des choses banales
Comme on en lit sur le journal
Comme on en dit le soir chez soi.
Ce qu'on fait de vous, hommes femmes,
O pierre tendre tôt usée
Et vos apparences brisées,
Vous regarder m'arrache l'âme.
Les choses vont comme elles vont.
De temps en temps la terre tremble,
Le malheur au malheur ressemble,
Il est profond profond profond
Vous voudriez au ciel bleu croire
Je le connais ce sentiment
J'y crois aussi moi par moments
Comme l'alouette au miroir.
J'y crois parfois je vous l'avoue
A n'en pas croire mes oreilles.
Ah! je suis bien votre pareil
Ah! je suis bien pareil à vous.
A vous comme les grains de sable,
Comme le sang toujours versé,
Comme les doigts toujours blessés,
Ah! je suis bien votre semblable.
J'aurais tant voulu vous aider
Vous qui semblez autres moi-même.
Mais les mots qu'au vent noir je sème,
Qui sait si vous les entendez.
Tout se perd et rien ne vous touche
Ni mes paroles ni mes mains
Et vous passez votre chemin
Sans savoir que ce que dit ma bouche.
Votre enfer est pourtant le mien
Nous vivons sous le même règne
Et lorsque vous saignez je saigne
Et je meurs dans vos mêmes liens.
Quelle heure est-il? quel temps fait-il?
J'aurais tant aimé cependant
Gagner pour vous pour moi perdant
Avoir été peut-être utile.
C'est un rêve modeste et fou
Il aurait mieux valu le taire.
Vous me mettrez avec en terre
Comme une étoile au fond d'un trou.
(Louis Aragon chanté par Jean Ferrat )
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